Les « mauvaises répondeuses » en FIV, nouvelle classification, nouvelle approche thérapeutique

Mise au point sur l’individualisation des inductions d’ovulation chez les patientes étiquetées « mauvaises répondeuses »

Dans le dernier numéro de « Reproductive Biology and Endocrinology) paru en 2018, Thor HAAHR et coll. (Département de Médecine Interne et Service de Médecine de la Reproduction – Université Aarhuus – Skive Hospital – DANEMARK) écrit une mise au point sur les situations difficiles des traitements d’induction d’ovulation en assistance médicale à la procréation (AMP) chez les patientes dites « mauvaises répondeuses » (poor-responders, POR).

Comment améliorer la prise en charge de ces patientes, quel cadre diagnostique définir après la mise en place des critères de BOLOGNE établis par l’ESHRE ?

En AMP, l’individualisation des traitements d’induction d’ovulation en fécondation in vitro (FIV) permet la meilleure approche en termes de sécurité (diminution des risques d’hyperstimulation ovarienne) et de réussite en termes de grossesses évolutives.

D’après les registres danois, durant la période 2007-2010, sur un total de 5.165 couples ayant bénéficié d’une AMP, les taux cumulés de grossesses menées à terme étaient de 80 % lorsque l’âge de la femme était inférieur à 35 ans, de 61 % pour les femmes entre 35 et 39 ans et 26 % pour les femmes au-delà de 40 ans.

Le choix du traitement médical est un élément essentiel dans la prise en charge initiale et repose principalement, entre autres critères (âge, résultat des tentatives précédentes, antécédents chirurgicaux) sur les « marqueurs de la réserve ovarienne », à savoir compte de follicules antraux (AFC) et hormone anti-müllerienne (AMH).

I – La prise en charge clinique dans le groupe de patientes étiquetées « mauvaises répondeuses » (POR) reste néanmoins en discussion tant les définitions restent floues et les traitements différents.

POLYZOS et DEVROEY avaient rapportés près de 41 définitions différentes des POR sur un total de 47 études randomisées.

La classification réalisée à BOLOGNE (2011) par l’ESHRE est-elle encore d’actualité ?

En 2016, un groupe de spécialistes de la reproduction (biologistes, endocrinologues, gynécologues…) tente de redéfinir la notion de « mauvaise répondeuse » à travers la classification POSEIDON (Patient-Oriented Strategies Encompassing Individualized Oocyte Number) basée sur 4 sous-groupes, en tenant compte de l’âge de la patiente, du compte des follicules antraux, de l’AMH et des éventuelles réponses ovariennes lors du traitement préalable.

  • P.Groupe 1 : femmes en-dessous de 35 ans, AFC ≥ 5, AMH 1,2 ng/ml, réponse ovarienne sub-optimale,
  • P.Groupe 2 : femmes âgées de plus de 35 ANS, AFC ≥ 5, AMH 1,2 ng/ml, réponse ovarienne « pauvre » ou sub-optimale,
  • P.Groupe 3 : femmes âgées de moins de 35 ans, réserve ovarienne faible avec un AFC  < 5, une AMH  < 1,2 ng/ml,
  • P.Groupe 4 : femmes âgées de plus de 35 ans, avec une réserve ovarienne faible.

II – « L’ART calculator » : comment obtenir le nombre d’ovocytes nécessaires à l’obtention d’un blastocyste euploïde ?

  1. 60 % des embryons euploïdes ont un potentiel d’implantation élevé, tous âges confondus (sachant qu’après 35 ans, 50 à 70 % des embryons fécondés présentent une anomalie chromosomique de type aneuploïdie).
  2. On estime qu’avant 35 ans, entre 4 à 7 ovocytes sont nécessaires pour l’obtention d’un blastocyste euploïde, un minimum de 12 ovocytes seraient requis chez des patientes de plus de 35 ans.

Mais d’autres paramètres que l’âge féminin (qualité des laboratoires en termes de fécondation, de blastulation, paramètres du sperme,…) rendent cette estimation aléatoire.

« L’ART calculator » permet d’intégrer ces données et détermine un outil pronostic permettant d’individualiser au mieux le traitement médical chez les patientes POR.

Il est disponible sur le site : www.poseidongroup.com.

 

III – L’ICOS (Individual Control Ovarian Stimulation) peut-elle être améliorée selon les différents protocoles utilisés ?

1/ Agoniste ou antagoniste de la Lh-Rh ?

  • Dans une méta-analyse faite par DANHUA et coll. (2011), il n’y avait pas de différence significative dans l’emploi de l’un ou l’autre des protocoles chez les femmes ayant une réponse ovarienne optimale.
  • SUNKARA et coll. (2014) rapportent dans une étude randomisée chez les POR un recueil ovocytaire supérieur dans les protocoles de désensibilisation hypophysaire par agonistes par rapport aux antagonistes de la Lh-Rh et un moindre taux d’annulation des cycles.

A noter que l’on estime que le recueil d’un ovocyte supplémentaire augmente de 5 % les taux de grossesses en FIV (étude de DE-GEITER, 2015).

  • Chez les POR, la désensibilisation par agonistes de la Lh-Rh parait le traitement le plus adapté au moins comme première ligne thérapeutique.

2/ Gonadotropines ou cycles naturels ?

  • Se basant sur l’hypothèse que l’emploi des gonadotropines augmenterait les risques d’aneuploïdie embryonnaire, certains ont proposé la réalisation d’AMP en cycles naturels chez les POR.
  • POLIZOS et coll. (2012) ont retrouvé un taux cumulé de grossesses (après
    6 FIV) de 7 % en cycles naturels / 11 % chez les femmes entrant dans le cadre de POR, selon les critères de BOLOGNE).
  • La plupart des études préconisent l’emploi d’une stimulation ovarienne, avec une dose de départ de 300 UI de FSH.

 

IV - Traitements adjuvants des inductions d’ovulation chez les POR

1/ L’hormone de croissance (Growth-hormone, GH) 

En 2016, une étude randomisée menée par BASSOURY étudiait les effets de l’addition de la GH (7,5 UI par jour à partir du 6e jour de la stimulation ovarienne) : cette étude ne montrait pas de résultats significatifs par rapport à un groupe contrôle, bien qu’un nombre plus élevés d’ovocytes aient été recueillis.

Du fait de résultats contradictoires à ce jour, des études complémentaires randomisées sur des cohortes plus importantes sont nécessaires.

2/ Place des androgènes

L’hypothèse biologique de l’effet des androgènes sur l’augmentation des récepteurs de la FSH sur les cellules de la granulosa et le recrutement de follicules antraux a mis en exergue l’utilisation de traitements comme la DHEA ou d’androgènes par voie trans-cutanée.

Il ressort qu’à ce jour, les doses requises, la durée d’exposition de ces pré-traitements, sont encore sujets controversés.

Il n’y a donc pas de consensus sur les indications de traitement par androgènes chez les POR dans l’attente d’études plus importantes randomisées.

 

3/ La supplémentation en LH

Elle est basée sur le concept que la supplémentation en LH stimule la conversion du cholestérol en androgène ovarien et la croissance folliculaire.

  • LIBERT et coll. (2014) ont publié une méta-analyse basée sur 6.443 cycles de traitements chez des patientes ayant un bilan normal et de patientes d’un groupe POR.

La supplémentation en r.LH a augmenté le taux de grossesses de 9 % (résultats statistiquement non significatifs) avec un effet plus prononcé chez les POR.

  • HUMAIDAN et coll. ont publié en 2017 un essai randomisé portant sur 939 patientes (POR) comparant les traitements par r.hFSH 300 UI associé à 150 UI r.hLH / 300 UI r-hFSH.

Les résultats n’ont pas montré de différences significatives, en dehors d’un taux de diminution de fausses couches spontanées dans le groupe POR.

 

En conclusion

Pour les auteurs, le groupe de patientes étiquetées « mauvaises répondeuses » reste hétéroclite.

La prise en charge reste un challenge mais doit être individualisée en tenant compte des critères reconnus (critères de BOLOGNE) ou de nouveaux critères à définir (classification POSEIDON).

Outre l’information à donner aux patientes et aux couples sur les chances de succès, les choix de traitement reposent sur l’emploi d’une désensibilisation hypophysaire préférentielle par agonistes de la Lh-Rh, du type et des doses de gonadotropines utilisées et des possibilités de traitements adjuvants dont l’efficacité reste encore à confirmer.

 

Références
Individualized controlled ovarian stimulation in expected poor-responders : an update – Thor HAAHR, Sandro C.ESTEVES and Peter HUMAIDAN– Reproductive Biology and Endocrinology (2018)